lundi 31 mai 2010

Requiem pour une clope.


On s'est rencontrées pour la première fois lorsque j'avais 12 ans, tu étais une Marlboro Light blanche, rapportée des USA par la maman de Jennifer Metz, on t'as fumée sur son balcon alors que son petit frère nous épiait.

Puis il y a eu les paquets de 10, des Marlboro rouge et parfois des Camel, que des buralistes peu regardants acceptaient de nous vendre une fois sur deux, et quand ils refusaient, on demandait aux passants, et çà devenait épique.

La clope est devenu pétard, le temps de l'adolescence, et puis j'ai arrêté de te crapoter et j'ai vraiment inspiré ta fumée, le pétard m'a rendue parano, je l'ai arrêté, mais pas la cigarette, et à 17 ans, çà je fumais.

Bravé les interdits pour te fumer en cachette, et toujours, en 10 ans, tu m'a plus collé au corps que mon ombre.

Chère clope, tu me connais plus que toute ma famille, mes mes amis et mes amants réunis, puisque tu étais là, tout le temps à chaque moment de ma vie ces dernières années.

Le temps est venu pour moi, ma chère clope, de reprendre mon temps et donc de t'arrêter.

Seule un été en Toscane, on s'enfuyait toi et moi dans les vignes pour se cacher et parler aux étoiles, ou pour draguer, "vous n'avez pas du feu s'il vous plaît", dans les aéroports avant 2001, en attendant mes bagages, devant certains passagers outrés, chère clope, avant le BAC, pendant la FAC, et dans les cafés, avec le café, après les festins et les jours de disettes, à la place des repas, chère clope, pendant les insomnies et les larmes, chère clope, pour faire des blagues en faisant des ronds de fumée, chère clope au travail, prétexte à une petite escapade qu'on prolonge, clope à la chaîne et clope chère, qui me fait puer du bec et virilise ma voix, chère clope, tu rends ma peau grise et tu me fais tousser, mais il faut bien mourir de quelque chose, pff, n'est-ce pas, oui mais pas de çà, parce chère clope, en fait tu me tues et moi je ne veux plus de toi, même après l'amour, même pour socialiser, chère clope à Londres, à New York, Marrakech et Shangai, cigarette internationale, chichah, fag, smoke, cigarillo, clopasse, clopeau, t'as pas du fuego please, chère clope que je crois rassurante quant tu n'es qu'un toxique prétexte pour rester avec moi pour stopper un peu l'instant, le savourer, clope interdite aux fenêtres, clope éteinte, puis rallumée, clope roulée, mégot recomposée, clope allumée à l'envers, clope conne, Camel, Lucky, Gauloise, clope plus chère dans les bars ou chez les épiciers la nuit, clope avec le vin, mmm, clope cachée, clope volée, clope trouvée, clope de connivence et de secret, clope en chantant, clope en riant aux éclats, en dinant, en, pique-niquant, clope en niquant, chère clope qui conclue les instants, clope qui fait passer le temps, clope qui tue le temps, addictive, l'idée de ton manque est angoissante, clope en chantant des chansons et en sortant ta fumée par le nez comme un dragon, cigarette petit clou au cercueil, clope cocue, clope désirée, clope de voeu, ultime cigarette, cigarette du condamné, sale cigarette, clope de camé, clope le temps est venue de nous séparer, parce que je n'ai plus besoin de toi.

Le temps est venu pour moi, ma chère clope, de reprendre mon temps et donc de t'arrêter.

Je vais peut-être recommencer, mais je ne crois pas, parce que tu n'es qu'une chimère dans ma tête, cette stupide addiction est tout à fait imaginaire, je n'ai pas besoin de ce paquet quotidien, je me le suis inventé pour me rassurer, on se racrocche à ce qu'on peut, y compris à un petit vilain filtre jaunâtre et crochu, clope sans laquelle je réussis enfin à respirer par le ventre et à sentir les odeurs d'un nouveau monde, sentir le goût.

Le temps est venu pour moi, ma chère clope, de reprendre mon temps et donc de t'arrêter.