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dimanche 24 janvier 2010

T'es conne, la fashion




Mini-émeute en ce froid soir de janvier sur le trottoir de la rue des Martyrs, au Divan du Monde.

La bataille oppose une clique téléphonante, sur et mal fringuée - en mode j'ai volé le pull-over de mon grand-oncle et je l'ai superposé à tous les résidus les plus colorés des 90's que j'ai pu dénicher dans le placard de mon petit frère, et j'ai accessoirisé le tout avec des jouets d'enfants- à des videurs survoltés qui n'en peuvent plus de se faire maltraiter par la clique sus-mentionnée.

Ben voilà, bienvenue dans une soirée prout de la Fashion Week à Paris.

Quand tu finis enfin par rentrer, à coups de coudes et d'insultes, parce que merde, t'as 19 ans donc le roi du pétrole et t'es pas venu pour t'amuser, tu vois, tu es très important, tu remets un coup de baston au bar, parce que finalement c'est tout à fait normal d'avoir à supplier la barmaid hautaine pour claquer tes deniers de stagiaire non-payé dans une boîte quelconque de la Fahion Prout -avec un bonus plus plus si c'est de la com'- tu dis bonjour à tout le monde et dans toutes les langues, mais surtout chaton, tu ne souris pas, çà te donnerais l'air désespéré, tu dégaines ton Blackberry pour faire des photos de tout et de tout le monde, que tu t'empresses de tagger sur Facebook avec des comments du type "MDR" ou encore "Si si la famille", diatribes que tu as répétées toute la soirée en choeur avec la foule en liesse, qui ne sait pas plus que toi ce qu'elle ânonne, puis tu montes sur la scène et tu fais la bise au DJ, ce qui manque de lui faire rater son mix, mais on s'en fout puisqu'il joue un CD pré-mixé, puis tu reprends une photo du moment où vous vous êtes fait la bise, parce que les choses n'existent vraiment que si tu les prends en photos, la vie en vrai on s'en fout, c'est ce qui se passe sur ton Twitter qui a du sens, ouh là, mais dis donc tu titubes un peu, pas autant que cette jeune anorexique qui visiblement aime renifler les mêmes produits que les enfants des trottoirs de Buenos Aires, mais tu n'es pas net net, pourvu que personne ne t'ai pris en photo, çà paraît difficile, tout le monde prend tout le monde en photo, même le DJ, même les videurs, même la dame-pipi, hop un tour sur Facebook et merde, voilà, la honte, tu t'es fait tagger dans cet état, tu t'empresses de te détagger, faut pas déconner quand même, c'est Pôle Emploi assuré si lundi ta sociopathe de boss te voit dans cet état, et toi tu as de l'ambition, tu as bien l'intention de lui piquer sa place quand cette vieille peau de 27 ans sera en arrêt grossesse, tiens mais tu la connais cette chanson, c'est sûrement un truc que tes grands-parents écoutaient, mais qu'est-ce qui lui arrive au DJ, de passer ce morceau qui dit "Don't push me cause I'm close to the edge I'm trying not to lose my h-h-h-head" mais comme tout le monde crie Grand Master Flaaaash, et que tu n'as pas envie de passer pour un con, tu cries, comme eux, pff, c'est peut-être çà que les gens appelaient le hip-hop, toi tu t'en tapes bien du hip-hop, la seule qui compte, c'est Lady Gaga.

Tu fais l'erreur de sortir fumer un clope, ce qui t'es fatal, les videurs n'ont pas apprécié ta façon de les traiter de boniches tout à l'heure à l'entrée, çà te vaut une éviction définitive, tu te rabats sur la Fourmi, où quelque-uns de tes camarades ont atterri aussi, et tu refais le monde avec eux, et puis tu rentres seul dans ta studette de 12 mètres carrés, et tu manges un reste de raviolis froids à même la boîte.

Un jour, le monde sera à tes pieds.